« Une brève analyse de la loi Peillon de refondation de l’Ecole »
par Alain Avello
La perspective, tout d’abord, ne semblait pas dénuée de pertinence : réformer en premier lieu l’école primaire, base de l’édifice.
Mais, en guise de refondation, l’essentiel du projet de loi se résume en mesures relevant d’une approche principalement quantitative ne réformant rien sur le fond, mais annonçant au contraire la poursuite de cette logique ayant précisément provoqué et organisé le déclin de l’institution.
Il est à ce titre symptomatique que la mesure phare ou, du moins, celle dont il est fait le plus largement état, soit le passage à la « semaine de quatre jours et demi » dans les écoles. Que l’étalement du temps scolaire permette d’alléger la journée de classe et soit propice à apprendre plus efficacement tombe à peu près sous le sens, mais la question essentielle ne reste-t-elle pas celle des contenus effectivement enseignés et des méthodes mises en œuvre en vue de leur enseignement ? Dans la même perspective quantitative, le ministre proclame un objectif laissant lui aussi songeur : « plus de maîtres que de classes », et annonce la création de 60 000 postes durant le quinquennat. Les précédents gouvernements avaient certes procédé à d’importantes suppressions de postes, mais au vu d’une administration aux effectifs déjà pléthoriques, il est permis de se demander si celle-ci ne peut être réformée à budget constant. Quoi qu’il en soit, ici encore, l’approche n’est donc que quantitative, lors même que la question pourtant essentielle et relevant, elle, bel et bien du qualitatif ne semble guère posée comme elle l’exigerait : qu’enseigne-t-on ? et comment l’enseigne-t-on ?
De ce point de vue, et concernant toujours l’école primaire, puisque c’est sur celle-ci qu’il s’agit de mettre l’accent, l’on prévoit, dans le prolongement des réformes précédentes, d’y faire une place accrue aux « nouvelles technologies de l’information et de la communication » (NTIC), de sorte à « faire entrer l’Ecole dans l’ère du numérique ». On conviendra qu’il est dans une certaine mesure justifié que, l’école devant aussi évoluer avec l’époque, elle intègre pareilles technologies, mais tout aussi bien que là non plus ne réside pas l’essentiel, à plus forte raison lorsque pareilles techniques, lesquelles ne relèvent tout au plus que des moyens que l’enseignement est susceptible de mettre en œuvre, ne sauraient à ce titre être confondues avec les fins que celui-ci doit viser et s’efforcer d’atteindre. C’est pareillement sans doute sous prétexte d’adhérer à la modernité et au prix d’une perte de vue des fins que le projet de loi prévoit par ailleurs que sera enseignée une langue vivante dès le cours préparatoire, ce qui laisse rêveur quand rien n’est dit sur les méthodes d’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Au-delà de la réforme du primaire, la « refondation » telle que conçue et projetée par l’actuel gouvernement est sous-tendue par l’idée d’une articulation école-collège / lycée-université. A ce titre, il est bien sûr d’autant moins question de toucher à l’aberration du « collège unique » que celui-ci est conçu dans son articulation à l’école primaire, par nature indifférenciée.
Et s’il est aussi peu question du lycée, l’on saisit bien que c’est parce que la réforme initiée sous la précédente législature a toutes les faveurs de l’actuel ministre : la politique est la même, tant du point de vue d’une inconditionnelle sacralisation de l’anglais et des « nouvelles technologies » que de celui de l’organisation administrative du système allant dans le sens d’une autonomie croissante des établissements d’enseignements, c’est-à-dire d’un désengagement poursuivi de l’Etat.
La loi Peillon s’inscrit dans l’implacable et délétère logique des politiques éducatives UMPS : elle ne refondera aucunement le système scolaire, mais en prolongera le déclin.